Un mythe réactualisé :
« Livre de Jonas -
Si Jonas m’était conté[1] »
Article paru dans "La Lettre de l'Île-de-France",
bulletin trimestriel du Groupe Île-de-France de Mythologie Française,
janvier, février, mars 2011 n° 77
Ce livre commence par conter l’histoire du Jonas biblique résumé brièvement :
« Comme chacun sait, il fut envoyé depuis la terre d’Israël par Yawhé pour demander aux habitants de Ninive, des païens, de se convertir, sous peine de voir la destruction s’abattre sur leur ville.
Au lieu d’obéir, Jonas fuit vers Tharsis, sur la côte espagnole ; il monte dans un bateau qui quitte le port de Jaffa. Voilà que la tempête se lève. Les matelots prient leurs dieux sans succès, jettent d’abord la cargaison par-dessus bord, rament en direction d’un rivage, mais la tempête redouble. Ils tirent alors les sorts qui désignent Jonas comme coupable. Ils le jettent alors par-dessus bord et la tempête cesse.
Jonas est avalé par une baleine et passe trois jours et trois nuits dans ses entrailles avant qu’elle le vomisse sur le rivage de Ninive. Trois jours et trois nuits pendant lesquels Jonas fait le point et décide d’assumer sa vocation. Ce temps préfigure, pour les chrétiens, les trois jours et les trois nuits que le Christ, après sa mort sur la croix, passera dans la tombe avant de ressusciter et de monter vers le Père.
A la voix de Jonas, les Ninivites se convertissent, amendent leur conduite et Yawhé fait preuve de clémence. Ninive ne sera pas détruite.
Jonas ne comprend pas ; son peuple, infidèle à Yawhé, refuse de changer sa conduite ! Et voilà que des païens, eux, le font ! Yawhé n’est plus le Dieu des seuls Juifs, mais celui de tous les hommes ! »
Ce conte est commenté en profondeur à l’aide des interprétations de la kabbale et actualisé. En effet, les hommes empoisonnent l’air qu’ils respirent, la nourriture qu’ils mangent, la Terre qui se meurt à cause des engrais, des pesticides, de la surexploitation de ses ressources, et jusqu’à l’océan, ce réservoir de Vie ! Même le ciel de la terre n’est pas épargné qui devient une poubelle de débris de satellites artificiels.
Il fallut à Jonas, pour se convertir, pour mourir à lui-même, passer par l’épreuve de la Caverne, qui fut pour lui le ventre de la baleine.
De nombreux Jonas ne cessent de dire, aujourd’hui comme hier : « Réformez votre conduite ou vous allez périr ! Vous êtes à vous-mêmes la cause de vos maux ! » C’est déjà le simple bon sens qu’il importe de retrouver, par la raison qui montre la multiplication des comportements suicidaires. La Vie est donnée pour la joie, l’épanouissement, l’amour et non pour l’enfer de la déshumanisation qui ne cesse de croître. Les retournements individuels sont nécessaires et doivent entraîner un changement collectif profond. Alors qu’à Ninive, le roi et les grands de la cour amendèrent leur conduite, ce n’est pas le cas de très nombreux dirigeants de nos pays qui continuent imperturbablement les mêmes errements et ne donnent pas suite aux bonnes intentions déclarées.
Déjà de nombreux déluges eurent lieu dont les peuples ont longtemps gardé la mémoire. Pas seulement celui qui vit Noé construire son Arche ! Les Grecs content que Deucalion, fils de Prométhée, et sa femme Pyrrha, furent les deux seuls justes qui échappèrent au déluge lorsque Zeus décida de détruire les hommes de l’âge du bronze. Dans la Perse de Zoroastre, le déluge fut de glace. Yima (Jamshid) est le premier mortel à converser avec le dieu créateur Ahura Mazda. En Chine, Niu-koua tua le monstre-Dragon Gonggong qui avait ébranlé les colonnes du ciel et provoqué le jaillissement des eaux depuis les profondeurs de la terre, submergeant les terres. Niu-Koua répara la voûte céleste pour mettre fin aux calamités et sauver l’humanité.
Il est grand temps de suivre le sage précepte de Hans Jonas, le bien-nommé gnostique allemand, qui s’est fait le chantre d’une "responsabilité" qui interdirait à l'homme de n'entreprendre aucune action qui pourrait mettre en danger soit l'existence des générations futures, soit la qualité de l'existence future sur terre.